Le 21 avril, dans le Journal du Dimanche, 200 parlementaires (rejoints depuis par certains maires des grandes métropoles françaises – Paris, Bordeaux, Nantes, Lyon, Grenoble notamment), de tous bords signent une tribune pour un véritable plan vélo. Celui-ci avait été annoncé par la ministre des transports, Elisabeth Borne, à l’issu des assises de la mobilité fin 2017 notamment grâce à une consultation sans précédent concernant le ressenti des Français sur le vélo comme véhicule du quotidien, ou moyen de transport journalier.

Les chiffres diffèrent. La FUB (fédération des usagers de la bicyclette) demande un plan à hauteur de 200 millions d’euros par an, la Conseil d'orientation des infrastructures a préconisé la mise en place d'un plan vélo de 350 millions d'euros sur 4 ans. 

La tribune met en avant 5 mesures concrètes auxquelles nous ne pouvons qu’adhérer :

  • Développement du réseau de pistes cyclables et continuité : les pistes cyclables doivent être continues et favoriser la multimodalité (comme la capacité à faire du vélo / train)
  • Utilisation du vélo comme levier face à la précarité de mobilité (liée trop souvent à une précarité d’emploi)
  • Aide à l’achat du VAE 
  • Généralisation de l’indemnité kilométrique vélo
  • Evolution du code de la route

Et nous avons cogité à quelques autres éléments pour nourrir le débat

La valorisation équitable des modes de transport 

Selon l’économiste des transports, Frédéric Héran, le vélo progresse à partir du moment où la voiture recule. Si la voiture est un outil formidable de transport dans certaines situations, en version individuelle et urbaine, elle devient une aberration écologique, financière, voire même un problème de santé publique (sédentarisation, émissions polluantes, stress…). Or, elle est encore largement favorisée par diverses situations historiques. 

1. URSSAF

en entreprise, la mise à disposition de parking par l’employeur n’est soumis à aucune charge sociale, alors que la promotion et le déploiement de solutions alternatives (moins onéreuses et plus respectueuses de l’environnement) sont soumises à cotisations sociales. Ainsi La mise à disposition d’un vélo électrique (soumis à un dégrèvement de l’impôt sur les sociétés) doit être considérée comme un avantage en nature. 

2. Coût réel

Les lobbys voiture annoncent un coût mensuel de revient de la voiture aux alentours de 500€ (qui est critiqué par certaines études), mais qui est aussi largement méconnu du grand public. Selon une étude du BCG de l’hiver 2017, 95% des personnes consultés estiment à moins de 200€ le coût de leur voiture individuelle. La prise de conscience autour du coût réel est un vrai sujet de communication pour initier un changement de comportement. En outre, ce coût individuel ne comprend naturellement pas les coûts pour le contribuable de l’omniprésence de la voiture dans l’espace public (infrastructures, santé publique, productivité…). 

3. Les frais kilométriques

les frais kilométriques voiture oscillent entre 0.286€/km et 0.595€/km en fonction de la distance et de la voiture utilisée. A titre comparatif, le barème pour le remboursement des déplacements à vélo n’est pas indiqué dans les textes et seul est indiqué le montant pour le VAE45 (vélo à assistance électrique dont l’assistance se coupe à 45km/h) et  est compris entre 0.146€/km et 0.249€/km en fonction de la distance. Or un collaborateur qui se déplace en vélo est plus rapide, en meilleure santé et moins onéreux pour la collectivité, un barème plus avantageux pour le collaborateur et l’entreprise permettrait de promouvoir ce mode de déplacement. 

4. La vitesse

Aujourd’hui un automobiliste dispose d’un véhicule dont la vitesse possible dépasse largement les 130km/h de vitesse maximale autorisée, alors qu’un cycliste (à assistance électrique) est bridé à 25km/h (catégorie qui n’existe nul dans le code de la route). Si un automobiliste a l’intelligence et la capacité à adapter sa vitesse, pourquoi un cycliste ne le pourrait pas. Les reports modaux constatés sur des utilisateurs de VAE45 sont importants et il serait intéressant de favoriser ce mode déplacement mais surtout de laisser au cycliste la liberté que l’on offre à l’automobiliste. 

Limitation de vitesse

5. La communication

Les panneaux d’indication de la sécurité routière promeuvent les itinéraires automobiles, avec des indications de temps de trajet. L’indication des temps de parcours (des gains financiers & d’émissions polluantes) équivalents réalisés à vélo permet à l’automobiliste de prendre conscience de moyens de transport alternatifs avec un rôle de fluidification du trafic routier.

Panneau circulation routière

La prise en compte de l’impact du vélo sur les coûts de santé publique 

Si le sport peut être considéré comme un médicament, les modes de déplacements actifs (marche, vélo, trottinette…) ont un impact important sur les coûts de santé publique. Certaines études chiffrent à 40% la réduction de stress engendrée, d’autres à 41% la réduction des risques cardio-vasculaires, ou à 15% la réduction du taux d’absentéisme. La sécurité sociale a lancé en 2017 une campagne pour l’activité physique et c’est tant mieux. Il faut continuer et utiliser les outils de financement de la sécurité sociale pour développer des accompagnements financiers adaptés. 

Mal de dos - vélo

La généralisation de l’IKV (indemnité kilométrique vélo), l’aide à l’achat de VAE (vélo à assistance électrique), le dégrèvement de charges sociales des politiques d’entreprise liées à des modes actifs sont des projets qui pourraient être portées par des politiques long-terme de santé publique. 

Utiliser les entreprises comme relai des politiques de mobilité

L’entreprise a un rôle clef à jouer dans les déplacements du quotidien, que ce soit sur les trajets domicile travail mais aussi sur les déplacements professionnels (cf. point ci-dessus lié aux frais de déplacement). Les obligations légales liées aux plans de déplacement impliquent les entreprises de plus de 100 collaborateurs dans des démarches de mobilité plus responsables. Ces obligations légales ne sont malheureusement que peu respectées :si peu de chiffres officiels existent, le taux de réponse semble bien faible. La pénalisation du défaut de dépôt liée à des outils adaptés pour innover, tester, mettre en place, adapter (cf. point ci-dessus URSSAF) permettrait de valoriser les démarches pro-actives des entreprises et d’encourager les bonnes pratiques.

Des programmes comme le bike2work anglais permet aux entreprises d’accompagner les collaborateurs vers le vélo (avec un dégrèvement de la TVA et de certaines charges sociales), des logiques d’aide au déplacement (un montant forfaitaire annuel ou mensualisé) permettent au collaborateur d’adapter sa mobilité à son besoin. 

La politique d’éducation de mobilité

1. Le vélo à l’école

Dans les pays « cyclistes » du nord de l’Europe, les enfants se déplacent à vélo et apprennent jeunes à être mobiles de façon indépendante. L’éducation « cycliste » promue par des programmes telle que l’écomobilité scolaire ont des impacts sociaux importants. 

Un cycliste a un rayon d’accès à la formation et à l’emploi près de 10 fois supérieur à un non cycliste. Apprendre à pédaler et à s’insérer dans le trafic est un enjeu qui doit être appréhendé dès le plus jeune âge. Au même titre que l’apprentissage de la natation au primaire est une obligation légale l’éducation nationale, on peut imaginer que la capacité à pédaler en autonomie dans une circulation pourrait être une obligation. 

Cela passe aussi par l’aménagement des établissements scolaires aux pratiques cyclistes (garage vélo pour les vélos des enfants, aménagements de dépose de vélo cargo pour les parents qui se déplacent en vélo…). 

Vélo école

2. Le vélo à l'université

Les étudiants ont des problématiques financières bien connues, leur mobilité peut en être impactée. Les études supérieures riment souvent avec l’apprentissage de l’autonomie et des habitudes de mobilité qui dureront toute une vie. Accompagner les étudiants avec des offres de mobilité adaptée comme la location longue durée de vélo (programme swapfiets au Pays Bas) permet de leur offrir des opportunités de mobilité équitables. 

Cela implique également d’inclure les campus universitaires dans des démarches de mobilité verte avec des infrastructures adaptées.

3. La formation au vélo comme levier de retour à l’emploi

Enfin la formation au vélo comme la remise en selle ou l’accès à un vélo (comme il existe de nombreux pass permis) pour le retour à l’emploi est capital. Près de 23% des chômeurs ont refusé un emploi suite à une incapacité de se déplacer, la mobilité est capitale et doit faire l’objet d’un accompagnement dans le cadre d’un retour à l’emploi. C’est le cas du projet expérimental de Transdev à Fourmies où 2R Aventure intervient comme spécialiste du vélo électrique. Mais c’est surtout les prémices d’un changement culturel pour permettre plus de mobilité.

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